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Condorcet et les Académies de province

Condorcet et les académies de province

Colloque Condorcet et les Académies de province, le jeudi 9 octobre 2014

Portrait du Marquis de Condorcet (1743-1794) par Jean-Baptiste Greuze (1725–1805)

Portrait du Marquis de Condorcet (1743-1794) par Jean-Baptiste Greuze (1725–1805)

Programme du colloque

9 heures : Accueil . 9h 30 : Ouverture par Jean Normand, président de l’Académie

Pierre Crépel et Nicolas Rieucau

Présentation

Daniel Roche

Le cheval et les académiciens

Nicolas Rieucau

Les relations de Condorcet avec la Société royale des sciences de Montpellier: une mise en perspective

Simone Mazauric

Condorcet, Jean François Séguier et l’Académie de Nîmes

Françoise Launay

Condorcet et quelques­uns de ses mystérieux correspondants à l’Académie des sciences débusqués

 

14 h 30 : Présidence de Marguerite Yon

Louis David

Marc­ Antoine Claret de La Tourrette

Christian Bange

La Tourrette et la diffusion du linnéisme en France

Pierre Crépel

Comment Condorcet et La Tourrette organisent l’activité scientifique ?

Patrice Bret

Condorcet, Guyton de Morveau et l’académie de Dijon

Jean­Daniel Candaux

L’Académie de Villefranche­sur­Saône : une exhumation

Discussion générale. Fin des travaux à 18 h

Résumé des communications

Daniel Roche

Le cheval et les académiciens

C’est en lisant l’article « Académiciens » que rédige Diderot pour le premier volume de l’Encyclopédie que j’ai compris l’intérêt de s’interroger sur la culture équestre, académiciens et académistes ne se confondant pas, mais ne s’opposant pas non plus. Les rapports entrevus par le Philosophe entre les deux types d’activités nous permettent de retrouver un grand problème qui mobilise notre temps, celui du rapport à l’animal et de l’avenir de la Nature, perçus, associés, dans l’Histoire. C’est l’occasion de retrouver les liaisons intellectuelles qu’entretenaient les philosophes avec les chevaux. En soulignant l’importance accordée par les encyclopédistes aux équidés, c’est aussi une manière de rappeler l’importance majeure, politique, pédagogique, que les académies équestres offraient aux « intellectuels ». Lyon, qui a vu naître avec Bourgelat l’art vétérinaire, a en ce domaine offert un théâtre novateur et exemplaire au midi du Siècle des Lumières.

Nicolas Rieucau

La correspondance de Condorcet avec la Société royale des sciences de Montpellier : une mise en perspective

En vertu de ses statuts, on sait que la Société royale des sciences de Montpellier était la seule institution savante des provinces françaises à ne former « qu’un seul corps » avec l’Académie des sciences de Paris. Témoignages de cette relation privilégiée, les traces des relations épistolaires entre les deux sociétés excèdent très largement celles entretenues par l’académie de Paris avec les autres académies provinciales, et cela jusqu’à la chute de la royauté. S’agissant spécifiquement de la correspondance de Condorcet avec la société de Montpellier, les lettres qui sont parvenues jusqu’à nous ne s’élèvent cependant qu’à une dizaine, toutes adressées à lui. Il y est principalement question de l’envoi de mémoires destinés à être imprimés dans les volumes des Mémoires de l’Académie royale des sciences, conformément aux liens particuliers qui unissaient les deux institutions. En dépit de nombreuses lacunes attestées, le petit nombre de pièces retrouvées peut interroger. Cette faiblesse n’est toutefois pas surprenante si on la compare au reste de la correspondance connue de Condorcet avec les autres académies provinciales : à ce jour, seules une vingtaine de lettres de ce dernier ont été exhumées tandis que celles qui lui ont été adressées, par institution, ne dépasse jamais la dizaine. Demeure néanmoins le constat d’une part minime de la correspondance envoyée par Condorcet en comparaison de sa correspondance reçue. Ses correspondants, montpelliérains ou non, se plaindront à de nombreuses reprises de son silence. Il ne s’agit pas, bien entendu, de mettre en cause l’image d’un secrétaire dont l’activité n’eut d’égale que celle de Fontenelle, et accordant d’ailleurs de grands égards aux académies provinciales par ses tentatives de réforme visant à leur attribuer les mêmes statuts que la société de Montpellier. Émerge plutôt la figure d’un savant quelque peu débordé par l’emprise d’un réseau épistolaire qu’il a lui-même tissé.

Simone Mazauric

Condorcet, Jean-François Séguier et l’Académie de Nîmes

En 1774, Condorcet devient secrétaire-adjoint de l’Académie des sciences de Paris. Il conçoit tout de suite un projet destiné à réorganiser l’activité scientifique dans le royaume et à dynamiser cette même activité dans les académies de province. Dans ce but, il invite ces compagnies à s’associer à celle de Paris. On connaît bien, grâce aux travaux de Keith Baker, autant le projet de Condorcet que les réponses que lui ont adressées les secrétaires des académies de Dijon, de Lyon et de Nîmes. Nous nous proposons donc dans cette communication de rapporter plus précisément le contenu de la réponse adressée à Condorcet par Jean-François Séguier à l’histoire singulière de l’Académie de Nîmes. Nous envisagerons également l’hypothèse selon laquelle cette réponse pour le moins réservée pourrait s’expliquer au moins en partie par la prudence du secrétaire perpétuel de l’Académie de Nîmes en ce qui concerne son engagement dans le mouvement des Lumières. Enfin, ces éléments d’analyse pourront ouvrir vers des considérations plus générales concernant les histoires, à la fois mêlées et distinctes, de l’Académie parisienne et des académies de province.

Françoise Launay

Condorcet et quelques uns de ses mystérieux correspondants à l’Académie des sciences débusqués

Parmi les correspondants de Condorcet à l’Académie des sciences, certains sont très peu documentés, voire complètement inconnus. L’usage n’étant pas à l’époque de mentionner les prénoms dans les lettres, pas plus que dans d’éventuelles mentions imprimées, les seules indications dont nous disposons généralement pour les identifier sont leur patronyme (pas toujours complet dans le cas des nobles), l’objet de leur missive avec une date, et, la plupart du temps, leur adresse, leur écriture et leur signature. Nous montrerons, à l’aide de quelques exemples choisis parmi les correspondants qui habitaient l’est de la France, ou en étaient originaires, comment les sources primaires manuscrites couramment utilisées en généalogie (registres paroissiaux, actes d’état civil, actes notariés, archives policières, judiciaires, fiscales, militaires, foncières ou administratives diverses) permettent non seulement de leur donner une identité complète et des dates précises, mais aussi d’avoir un aperçu de leur parcours professionnel et familial, et, très souvent, quand ils y sont cités, de rectifier des erreurs véhiculées dans la littérature à leur sujet.

Louis David

Marc-Antoine Claret de La Tourrette

Marc-Antoine est né le 11 août 1729 à Lyon. Ayant eu comme précepteur l’abbé J. Pernetti, il étudie ensuite chez les Jésuites puis au collège d’Harcourt à Paris. Suivant la même voie que son père, il devient conseiller à la Cour des monnaies, charge qu’il occupera durant 20 années avant de se consacrer exclusivement à sa passion pour l’histoire naturelle. Zoologie et minéralogie l’attirent d’abord, puis la botanique sera l’objet des ses recherches favorites pour ne pas dire exclusives.

En 1763, il installe le jardin botanique de la toute nouvelle école vétérinaire, avec les 600 plantes usuelles pour l’enseignement et aussi 1200 plantes alpines ou étrangères ; il confie ensuite le jardin à son ami l’abbé Rozier. Il constitue et enrichit sans relâche un jardin aux Chazeaux sur les pentes de la colline de Fourvière et un autre, plus grand, dans la propriété de la Tourrette, avec plus de 3000 espèces qu’il récolte en France et Europe ou fait venir de pays lointains.

Il herborise avec de nombreux confrères dont Jean-Jacques Rousseau, correspond avec Linné, Haller, Adanson et bien d’autres. Il a publié de nombreux ouvrages de botanique, diverses notes de paléontologie, et laissé beaucoup de manuscrits à l’académie dont il fut le secrétaire général de 1767 à sa mort.

Christian Bange

La Tourette et la diffusion du linnéisme en France

A l’exemple d’autres académiciens lyonnais, les Claret sont mentionnés dans l’Almanach de Lyon pour leur bibliothèque et leur riche cabinet. Mais Marc Antoine Claret de la Tourette va aller plus loin que le seul souci de la collection qui anime, à l’instar de bien des hommes et des femmes du monde en France à cette époque, quelques uns de ses contemporains lyonnais, tels Nicolau de Montribloud ou Imbert-Colomès. Il rassemble ses collections pour approfondir ses connaissances, il va prendre rang parmi les savants, et en tirer la matière d’une œuvre scientifique à la fois orientée vers l’acquisition de données nouvelles : en témoigne l’inventaire méthodique des végétaux du Lyonnais, concrétisé par la formation d’un herbier considérable pour l’époque, et aboutissant en 1785 à la publication de la Chloris lugdunensis. Un second aspect particulièrement important est la diffusion des connaissances, car les Démonstrations élémentaires de botanique, publiés pour la première fois en 1766 avec l’Abbé Rozier, ont été employées bien au-delà du cercle restreint des élèves de l’École vétérinaire et ont contribué à faire connaître en France la botanique linnéenne et par là-même à diffuser un nouvel esprit scientifique.

Pierre Crépel

Comment Condorcet et La Tourrette organisent l’activité scientifique

La Tourrette devient en 1767 secrétaire perpétuel « pour les sciences » de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, c’est-à-dire de l’académie réunie, issue de la fusion en 1758 des deux académies précédentes. Quand Condorcet devient secrétaire adjoint en 1773, puis secrétaire en titre en 1776, de l’Académie royale des sciences de Paris, La Tourrette est donc son interlocuteur naturel. Pourtant, il n’existe qu’un petit échange de lettres (bien connu et essentiel négatif) entre les deux hommes : c’est celui de 1774 sur le projet d’association entre les académies. Est-ce à dire que les académies de Paris et de Lyon ont vécu pratiquement sans relations, du ministère Turgot à la Révolution ? L’exposé cherchera à prouver le contraire : les associations individuelles, l’organisation des séances, les politiques des prix et concours, les éloges, les correspondances entre académiciens montrent que ces deux compagnies (et quelques autres) étaient beaucoup plus liées qu’on en croit, au moins depuis 1736. Nous en profiterons pour comparer les façons dont Fontenelle, Condorcet et La Tourrette ont composé leurs éloges.

Patrice Bret

Condorcet, Guyton de Morveau et l’académie de Dijon

Condorcet entretint des relations scientifiques personnelles et institutionnelles avec l’avocat-général et chimiste Louis-Bernard Guyton de Morveau (1737-1816), vice-chancelier, puis chancelier de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, et correspondant de l’Académie royale des sciences. Nous nous proposons d’esquisser ces relations telles que permettent de les saisir les archives propres des deux académies, les quelques lettres qui subsistent des échanges épistolaires entre les deux hommes pendant une trentaine d’années, et leur correspondance avec d’autres membres de la République des Lettres. Trois domaines sont principalement concernés. Les deux premiers sont directement liés aux sciences : d’une part, la chimie, au moment où commence la révolution chimique qui aura raison du phlogistique ; d’autre part, la vie académique, l’organisation de la science et les relations entre les académies. Avec la Révolution, enfin, les relations entre les deux académiciens se déplacent essentiellement sur le terrain politique, alors qu’ils siègent ensemble à l’Assemblée législative, puis à la Convention nationale.

Jean-Daniel Candaux

L’Académie de Villefranche-sur-Saône : une exhumation

Dans son superbe répertoire des académies provinciales, qui continue de faire autorité, Daniel Roche signalait en 1978 (Le siècle des lumières en province, t. II, p. 342-343) que malgré des demandes réitérées et plusieurs interventions de collègues, il n’avait pu accéder aux registres et papiers de l’Académie royale de Villefranche, dont le fonds était « en cours de classement » depuis 1965.

Il appert que ce classement est aujourd’hui terminé et que les archives de cette académie sont donc accessibles à la Bibliothèque municipale de Villefranche. La présente intervention n’a pour but que de donner un très rapide aperçu des richesses de ce fonds dans l’espoir d’inciter un historien à lui consacrer un travail plus approfondi, qui renouvelle la notice du Bulletin de la Société des sciences et des arts du Beaujolais, vieille aujourd’hui de plus d’un siècle.

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